Deux ans après l'installation d'un couple de loups dans les Vosges, la récente naissance de louveteaux pourrait marquer le retour durable de l'animal dans le massif, plus de 80 ans après sa disparition, au grand dam des éleveurs qui jugent la cohabitation avec le canidé impossible.
Fin août, les équipes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), ont authentifié la présence de louveteaux, grâce à la technique des hurlements. Aussi originale qu'efficace, la méthode consiste à ce que les agents imitent le cri du loup à l'aide d'un cône de chantier, principalement le soir, lorsque les loups partent chasser.
Selon l'ONCFS, "des cris caractéristiques plus aigus que ceux du couple" ont établi la présence de louveteaux, sans toutefois pouvoir en déterminer le nombre. Les portées comptent généralement trois à quatre petits.
Anthony Kohler, porte-parole du réseau local FERUS pour la conservation du loup et spécialiste de l'animal, est raisonnablement optimiste. "Les Vosges sont un habitat favorable au loup, et il pourrait y demeurer. Mais ça n'est pas encore certain", tempère-t-il.
Il faudra attendre deux à trois ans pour que les jeunes louveteaux deviennent en âge de se reproduire et il est fort probable qu'ils soient dispersés d'ici là. "Il faudrait donc que le couple se reproduise à nouveau l'année prochaine, et qu'il ne soit évidemment ni tué, ni qu'il parte, par exemple en Allemagne, pour qu'on puisse parler d'installation durable", explique le spécialiste.
Par ailleurs, les louveteaux restent particulièrement vulnérables au cours de leur première année. La maladie, la malnutrition ou la prédation par d'autres animaux entraînent le décès de 60% d’entre eux au cours de cette période. Si certains comme M. Kohler se réjouissent de ces naissances et de cette installation vraisemblablement durable de l’animal, c’est loin d’être le cas des éleveurs, qui dénombrent environ 200 brebis égorgées depuis 2011.
Pour protéger leurs troupeaux, certains adoptent un patou, un chien originaire des Pyrénées et qui fait fuir les loups. Mais ce chien est également agressif vis-à-vis des randonneurs qu'il peut suivre, l'air menaçant, durant des kilomètres. "Dès qu'elle me reconnaît, elle s'arrête. Sinon, que ce soit un humain ou un animal étranger, elle attaque", décrit Jean-Yves Poirot, éleveur de brebis à La Bresse.
Le "Plan loup" 2013-2017 entré en vigueur au printemps dernier autorise les éleveurs à abattre en tout 24 loups sur 250, bien qu'il s'agisse normalement d'une espèce protégée. Dans les Vosges, seul des tirs de défense à canon lisse, peu susceptibles de tuer, ont été autorisés par le préfet. Néanmoins, beaucoup refusent totalement la cohabitation. Pour le maire de La Bresse, Guy Vaxelaire, "s'habituer à vivre avec le loup, c'est une hérésie".
Pour les éleveurs de brebis, seule l'éradication est envisageable. La cohabitation s’annonce donc difficile.
Source : Le Nouvel Observateur, sept 2013
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